Cyprien Chabert
Artiste né en 1976, vit et travaille à Paris.
Au départ du postulat de Cyprien Chabert, il y a la matérialisation par le dessin d’une pensée architecturale. Dans cette quête de volume, l’artiste a pour habitude d’investir des espaces urbains pour y déployer des dessins végétaux. Des excroissances éclosent sur ses murs et par-delà, des jardins de feutre épousent les surfaces de son architecture. La collision entre deux vocabulaires distincts, celui du manufacturé et celui du vivant questionne la notion même de paysage. Elle permet l’émergence d’interrogations diverses, telles que l’équilibre glissant entre le dessin, l’architecture et l’ornement.
Îles et Mers (2021), une série de sculptures cartographiques donnant à voir les reliefs de plusieurs îles utopiques, poursuit une réflexion que l’artiste mène depuis une dizaine d’années. Cyprien Chabert y introduit l’idée d’une pierre-paysage comme objet esthétique. L’œuvre représente des îlots architecturaux, réduits à leurs expressions les plus rudimentaires, du blanc et des reliefs de plâtre aux formes épurées. Posées sur des plateaux en bois, les îles rappellent les formes des suisekis, des pierres naturellement polies par l’eau, plébiscitées au Japon pour leurs textures expressives et les vertus méditatives qu’on leur prête. Les échelles faussées d’Îles et Mers jouent sur la confusion de la perception. L’œuvre fonctionne comme le portrait cartographique d’un autre monde, une série d’archipels miniatures que l’on foulerait de nos pas de géants.
Elle se donne à lire comme l’illustration d’un récit de voyageur, possiblement celui de Gulliver sous la plume de Jonathan Swift ou celui d’Axel Lidenbrock dans un roman de Jules Vernes. Transplantés en héros des mondes imaginaires de romans d’aventure, explorateurs des côtes d’une île volante fictionnelle, nous voilà appelés à l’exploration de ses littoraux fantasmagoriques ; happés par le paysage tout en courbe de ses forêts de cailloux.
Dans le prolongement d’Îles et Mers, sa série de dessins représente à la fois des cartographies d’ îles lointaines, et des déclinaisons de cartes satellites traversées par un spectre blanc, prenant le caractère d’ îles-fantômes. Les œuvres s’apparentent à des planches encyclopédiques, empruntant au dessin académique un langage classique. Elles s’approchent aussi de la gravure, celle qu’on trouve dans les livres anciens ou les parchemins. Les œuvres closent ainsi ce dialogue entamé avec l’aventure littéraire, laissant poindre une île au trésor où le réel se mêle au fantastique.