Aurores liquides

 

Dans les peintures d’Ylva Carlgren, il faut accepter que quelque chose nous échappera toujours. Entre une apparition et une disparition, elles ne sont ni vraiment le jour, ni vraiment  la nuit, car souvent un peu de tout cela à la fois. Des spectres de lumière, blanc, azur, apparaissent et s’exposent dans toute leur pudeur et leur intensité. Naviguant sous nos yeux, ils ouvrent de nouveaux espaces dans des immensités sombres. Ces lueurs atmosphériques se dissolvent en parvenant jusqu’à nous comme des présences de l’entre-deux. Insondables et furtives, elles esquivent le moment même où l’on pense les saisir pour prendre une autre forme ; comme des mirages qui se dissipent lorsqu’on les approche de trop près. 

 

Pouvant être ceci et cela dans le même temps, ses œuvres ont toujours une mouvance éthérée que l’artiste est capable de générer sous les traits de son pinceau. Si elles sont aussi libres c’est grâce à l’assiduité qu’elle porte à la réalisation. Ylva Carlgren peint ces abstractions à l’aquarelle dont elle développe une technique très précise et méticuleuse. C’est après plusieurs jours, plusieurs semaines, et par couches successives que se révèlent les créations. Elle exerce un contrôle total sur son médium, connaît les pigments et la matière par cœur et maîtrise les transitions entre lumière et obscurité. C’est ce qui donne à ses toiles la force impénétrable de ce qui ne se dévoile jamais vraiment, mais aussi la vulnérabilité de ce qui est toujours incertain.

 

Cette vulnérabilité, il faut savoir en faire preuve au front de ses peintures, aussi minimales que totalisantes. Se rendre perméable et se laisser aller à l’émotion, pour expérimenter la sensibilité de ces lueurs spectrales ; percer les frontières de notre perception et aller au-delà de notre langage, qui veut toujours mettre en mots. Quand une chose est nommée, elle est aussi dépossédée de sa liberté d’en devenir une autre. Ainsi, les aurores liquides d’Ylva Carlgren ne cherchent pas à être définies, et son travail consiste justement à rendre toujours fluide leur contour, jusqu’à presque les dissoudre.