Sur une feuille blanche, une trace colorée s’envole.
Empreinte d’un geste, elle est à la fois flottante et ancrée dans le fond qui l’accueille.

Comme l’artiste au moment de peindre : enracinée au sol de la terre, communicante avec les énergies, et avec l’intention de capter un mouvement spontané en une forme minimale. Les œuvres d’Emma Godebska tracent des accumulations denses qui pourtourent des corps transparents. Cette transparence, c’est ce qu’elle recherche dans tous les sens du terme, à travers ces gestes qui se posent et s’exposent, c’est aussi une partie d’elle-même qu’elle nous livre.

Le support et les traces s’enlacent et fusionnent, car elle prend soin de travailler autant le fond que le geste. Si le papier, lui, n’est pas préparé d’un blanc originel, c’est qu’il a été délicatement choisi. Pour ces plus grands formats, qui s’étendent sur d’autres médiums, elle prépare longuement la surface, sa texture et sa tonalité épurée où elle pourra poser son geste.

Le moment venu, l’artiste part en quête de la couleur, à mélanger les peintures et les matières, à assombrir et allumer les teintes avec précision, jusqu’à ce qu’elle soit en harmonie avec son énergie intérieure, au moment présent. Emma Gobebska dispose tous ses supports dans son atelier — et à la manière des calligraphes qui s’entraînent avec des bâtons sur le sable, ou des maîtres d’arts-martiaux qui répètent le mouvement jusqu’à ce que celui-ci devienne le plus fluide — elle s’adonne à l’expression de ses gestes sur le papier. Sous l’outil qu’elle a choisi, la peinture s’étend et révèle ses couleurs, sa lumière et toutes ses nuances. Exposées en série,
ces œuvres nous laissent contempler cette répétition et les subtilités qu’elle engendre.
Elle se laisse libre de se débarrasser de ceux qu’elle a trop conscientisés, pour nous transmettre uniquement l’essence de l’énergie, en veillant à ce que celle-ci apparaisse dans sa forme la plus pure. Ce qui reste de cet instant, les traces, sont à la fois infimes et grandes comme le monde.
Il faut s’y laisser porter, s’y lover, dans toutes leurs complexités, elles évoquent des multitudes. Sur la surface épurée, elles sont centrales et respirent avec l’infini.

Ces gestes comme des respirations, ces traces comme des méditations.